Questions et réponses:

La variété des monuments historiques est aussi vaste que la créativité et les conditions de vie humaines – du simple lavoir au vaste site d’une fabrique de chaussures, d’une grande croix à un couvent, d’un paysage en terrasses à une aire de repos autoroutière, des ruines d’un château fort à un bunker de la guerre froide, d’une modeste maison individuelle à un palais ou encore d’un lieu d’exécution à un hôtel de ville.

Plus que le nombre des années, c’est la force du témoignage d’un bâtiment qui compte. Ainsi, un édifice qui inaugure un nouveau mode de construction ou un nouveau style architectural peut être considéré comme un monument historique quelques décennies seulement après sa construction. À l’inverse, les anciennes fermes ne sont de loin pas toutes protégées, même si nombre d’entre elles ont plus de deux siècles. En règle générale, il faut un écart d’une génération, soit 30 ans, pour pouvoir juger de la valeur historique d’une construction.

En Suisse, nous connaissons un classement par ordre d’intérêt – national, régional (cantonal) et local (communal). Les spécialistes de la Confédération et des cantons sont convenus d’une liste de quelque 2500 objets d’intérêt national. Les cantons, de leur côté, déterminent quels objets doivent se voir attribuer une importance régionale. Les communes complètent ces listes avec les édifices d’intérêt local. Ainsi, le premier bâtiment scolaire d’une commune peut y être jugé très important, mais ne pas se démarquer si on le compare à toutes les autres écoles de la région.

Au cours de ces dernières décennies, les cantons et les communes n’ont pas répertorié leurs monuments historiques selon la même systématique. On ne peut donc pas chiffrer précisément leur nombre. Les spécialistes estiment qu’au total, toutes catégories confondues (d’importance nationale à locale), cela représente entre 90’000 et 100'000 objets, soit environ 4% du parc immobilier. Les chiffres sont comparables dans la plupart des pays européens.

La liste des monuments historiques (inventaires) n’est jamais fermée. Elle doit être périodiquement revue et complétée avec de nouveaux éléments. Les cantons et– selon les compétences – les communes prennent les décisions de classement ou octroient des aides financières de cas en cas. L’autre axe important de l’activité des services des monuments historiques est le conseil aux maîtres d’ouvrage et aux professionnels qui planifient des transformations ou des rénovations. L’accompagnement d’une réalisation garantit un traitement respectueux du bâti historique et permet de réagir rapidement en cas de surprises lors du chantier. Les spécialistes de la conservation des monuments historiques se prononcent également sur les projets de construction et de rénovation dans les sites construits protégés.

Pour qu’un bâtiment puisse être mis sous protection, il faut une loi ou une décision d’une autorité. Cela peut être la Confédération, un canton ou une commune. Les organisations privées de protection du patrimoine ne disposent pas d’un tel droit. Il n’est pas permis de démolir un monument protégé.

Les traces du temps qui se lisent sur chaque monument historique livrent des indications sur les époques passées. Ainsi, on peut établir quels matériaux et quelles techniques ont été utilisés au fil du temps pour les transformations. Ces traces peuvent être interprétées différemment d’une génération à l’autre. Celles qui suivront devraient aussi pouvoir le faire sans rencontrer trop de difficultés. C’est pourquoi il convient de procéder avec circonspection pour toute intervention sur un monument historique. Les tâches et les méthodes des services des monuments historiques s’appuient sur des bases reconnues au niveau international.

La plupart des monuments sont encore utilisés quotidiennement. Souvent, l’usage qui en est fait contribue à la préservation d’un édifice historique. Un bâtiment qui a toujours été occupé doit pouvoir le rester à l’avenir. Cela implique d’apporter des modifications à la cuisine, à la salle de bains et aux installations techniques. De telles transformations doivent préserver au mieux la substance bâtie. Si la nouvelle affectation ne s’accorde pas avec celle d’origine, les limites des interventions possibles sont vite atteintes.

Remettre en état un monument historique selon les règles de l’art et l’entretenir entraînent souvent des coûts supplémentaires. La Confédération, les cantons et les communes mettent des moyens à disposition afin de couvrir au moins en partie les surcoûts. Mais la contribution des propriétaires (privés) eux-mêmes est souvent importante.

Un bâtiment sous protection ne pourra plus être remplacé par une nouvelle construction. Cette limitation peut avoir un effet sur de futurs développements. Mais il arrive que des objets protégés prennent de la valeur, parce que la qualité des façades, des espaces ainsi que de l’aménagement intérieur est supérieure à la moyenne. Ces monuments offrent un cadre de vie et de travail remarquable et ont une valeur symbolique.

En Suisse, le premier arrêté fédéral relatif à la conservation des monuments remonte à 1896. La Confédération a institué en 1915 la Commission fédérale des monuments historiques. En 1966 est adoptée la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN). Au cours du XXe siècle, la plupart des cantons ont créé leur propre service des monuments historiques.

Mais la conservation des monuments était déjà une préoccupation à l’époque de l’Antiquité. Les Romains ont restauré en Égypte des édifices datant des Pharaons. Durant l’Antiquité tardive, des temples païens ayant perdu leur usage, mais présentant une valeur artistique particulière, ont été préservés sur décret impérial.

À la Renaissance, l’Italie a redécouvert la culture du bâti de l’Antiquité. En 1514, le Pape a chargé le peintre et architecte Raphaël d’investiguer l’état des monuments romains ayant subsisté et de les préserver de la destruction.

En 1630, Gustav II Adolphe a fondé en Suède le premier service de conservation des monuments historiques d’Europe. Le roi voulait conférer par là une identité à son pays et l’inscrire dans une tradition.

Karl Friedrich Schinkel a rédigé en 1815 un mémoire en faveur de la conservation de «tous les monuments historiques et les vestiges de Prusse» et en 1830 était créé en France l’Inspectorat général des monuments.